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Thérapie
Volume 60, Numéro 5, Septembre-Octobre 2005
Neuvième Séminaire Annuel en Pharmacologie Expérimentale et Clinique, 25-27 novembre 2004
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Page(s) | 469 - 476 | |
Section | Pharmacologie/Pharmacology | |
DOI | https://doi.org/10.2515/therapie:2005067 | |
Publié en ligne | 1 mars 2007 |
Compréhension du mécanisme d'action des antidépresseurs anciens ou nouveaux : apport des modèles de souris génétiquement modifiées en pharmacologie in vivo
Mechanism of Action of Antidepressant Drugs: Importance of Genetically Modified Mice in the Pharmacological in vivo Approach
Laboratoire de Neuropharmacologie EA3544, Faculté de Pharmacie, Université Paris-Sud, Chatenay-Malabry, France
La principale hypothèse concernant le mécanisme d'action des antidépresseurs est monoaminergique, impliquant deux neurotransmetteurs, la sérotonine (5-HT) et la noradrénaline (NA). Malgré l'efficacité thérapeutique incontestable des inhibiteurs sélectifs de recapture de la sérotonine (ISRS) par exemple, un certain nombre d'inconvénients subsistent. Ces dernières années, l'identification de molécules susceptibles de raccourcir le long délai d'action des traitements (4–6 semaines sont nécessaires pour corriger les troubles de l'humeur) a fait l'objet d'un intérêt tout particulier. Les autorécepteurs exerçant un rétrocontrôle négatif sur la synthèse et la libération du neurotransmetteur ont ainsi été très étudiés. Les effets centraux de la co-administration d'un ISRS avec un antagoniste d'un autorécepteur de la sérotonine de type 5-HT1B ont été abordés grâce à la technique de microdialyse intracérébrale in vivo. Notre attention s'est portée sur les souris génétiquement modifiées : la comparaison des effets des ISRS sur les concentrations extracellulaires/intrasynaptiques de neurotransmetteurs dans le cerveau de souris "wild-type" contrôles et de celles dites "knock-out" (KO) constitutives privées de récepteurs 5-HT1B, a apporté des informations importantes. Ainsi, nous avons montré que l'activation des autorécepteurs 5-HT1B terminaux limite les effets des ISRS principalement dans les terminaisons des neurones sérotoninergiques situées dans l'hippocampe ventral. L'étude du récepteur de la substance P de sous-type neurokinine 1 (R-NK1) offre un autre exemple de l'intérêt des souris KO dans la recherche de nouveaux antidépresseurs. Les antagonistes des R-NK1 constitueraient une nouvelle famille d'antidépresseurs. L'absence de ligands sélectifs vis-à-vis d'un sous-type de récepteurs appartenant à la famille des tachykinines (R-NK1, R-NK2 ou R-NK3) et les différences d'affinité interespèces, rendent très utile l'administration de ces nouvelles molécules chez des souris KO R-NK1. Grâce à un travail effectué en collaboration, nous avons montré que le blocage génétique (souris KO R-NK1) ou pharmacologique (l'antagoniste GR 205171) du R-NK1 est associé à une désensibilisation fonctionnelle des autorécepteurs somatodendritiques de type 5-HT1A de la sérotonine situés dans le noyau du raphé dorsal. Ces résultats mettent l'accent sur le lien étroit qui existe dans le cerveau entre un neurotransmetteur (la 5-HT) et un neuropeptide (la substance P). Ces outils génétiques ont permis de confirmer la participation de multiples cibles du système nerveux central (SNC) sur lesquelles agissent les antidépresseurs (neurotransmetteurs, neuropeptides et facteurs de croissance). De plus, certaines lignées de souris KO constitutives ou inductibles pourraient constituer un modèle physiopathologique si elles présentent en commun avec la maladie des symptômes tels que des troubles du sommeil, des troubles du comportement alimentaire, un déficit central en 5-HT, en NA et/ou en facteur de croissance associé à un excès de substance P. Ces travaux récents démontrent que la théorie monoaminergique de l'action des antidépresseurs ne doit pas être rejetée, mais plutôt corrigée et complétée par le rôle de la substance P, du BDNF (brain-derived neurotrophic factor), etc. Il sera possible de raccourcir le délai d'action des antidépresseurs et/ou d'améliorer leur tolérance si on dispose d'une meilleure connaissance expérimentale de la diversité des cibles mises en jeu : c'est tout l'intérêt de ces modèles animaux d'étude du mécanisme d'action des médicaments que constituent certaines lignées de souris génétiquement modifiées.
Abstract
The main hypothesis regarding the mechanism of action of antidepressant drugs is monoaminergic and mainly involves two neurotransmitters, serotonin and noradrenaline. Despite the well-recognized therapeutic efficacy of selective serotonin reuptake inhibitors (SSRIs), some disadvantages still occur. For example, they often require 4–6 weeks to achieve clinical benefits in depressed patients. In the past, some molecules that could shorten this long delay of action have been identified. The role of presynaptic autoreceptors – the activation of which leads to an inhibitory feedback control on neurotransmitter synthesis and release – has been extensively studied for antidepressant effects. In our laboratory, we studied the combined effects of an SSRI and a serotonin autoreceptor antagonist of the 5-HT1B subtype using intracerebral in vivo microdialysis in awake, freely moving mice. Important information on SSRIs has been obtained by applying this technique to genetically modified animals, such as constitutive knockout (KO) mice lacking 5-HT1B receptors (5-HT1B KO) generated by homologous recombination: we compared the effects of a combined treatment on extracellular/intrasynaptic levels of serotonin in various nerve terminals area in wild-type control and KO mice. Thus, we found that indirect activation of 5-HT1B autoreceptors limits the effects of SSRIs on dialysate 5-HT levels at serotonergic nerve terminals such as the ventral hippocampus. The study of substance P (neurokinin 1 receptor [R-NK1]) offers another example of the use of KO mice in the development of a new class of antidepressant drugs. NK1 receptor antagonists may display anxiolytic/antidepressant-like properties. The lack of selective compounds for each tachykinin receptor subtype (R-NK1, R-NK2 or R-NK3) and differences in their affinity between animal species have made R-NK1 KO mice a very useful experimental tool. In collaborative work we found that genetic (R-NK1 KO mice) or pharmacological (GR205171) blockade of R-NK1 is associated with several changes: the increase in cortical 5-HT outflow caused by systemic injection of paroxetine was 4- to 6-fold higher in freely moving R-NK1 KO mice than in wild-type controls. The constitutive lack of NK1 receptors is associated with a functional desensitization of somatodendritic 5-HT1A autoreceptors, resembling that induced by chronic treatment with SSRI antidepressants. These results highlight the link between a neurotransmitter (serotonin) and a neuropeptide (substance P). This genetic strategy allowed us to point out that multiple targets participate to the effects of classical antidepressant drugs within the brain. We hope that, soon, some mice lines (constitutive or tissue specific, conditional rescue mice having alterations of sleep/wakefulness and/or food intake, altered central serotonin and/or noradrenaline neurotransmission, deficit in neurotrophic factors, but increases in intrasynaptic concentrations of substance P) could be a relevant model of the physiopathology of depressive disorders, and could help us understand the appearance of some symptoms. These recent findings suggest that instead of being rejected, the monoaminergic hypothesis of depression should be improved, corrected and completed by studying the role of other neurotransmitter, neuromodulatory compounds (substance P, BDNF [brain-derived neurotrophic factor]). By doing so, it thus could be possible to improve antidepressant drug treatment, i.e. shorten their long delay of action and/or to decrease treatment resistance or improve its tolerance.
Mots clés : médicaments antidépresseurs / gène knock-out / souris / microdialyse intracérébrales in vivo / sérotonine / 5-HT1B aurorécepteurs / substance P / antagonistes récepteurs NK1
Key words: antidepressant drugs / gene knock-out mice / intracerebral in vivo microdialysis / serotonin / 5-HT1B autoreceptors / substance P / NK1 receptor antagonist
© Société Française de Pharmacologie, 2005